Essai de la Honda Crosstourer

Depuis un an, plusieurs constructeurs moto sont en train de nous proposer des alternatives à la reine des trails. Yamaha avec la Super Ténéra, Triumph avec sa Tiger Explorer 1200, et Honda avec la Crosstourer. Ayant déjà une Honda, et un concessionnaire plutôt sympathique à 300m de chez moi qui dispose d'un exemplaire d'essai, je ne pouvais pas passer à côté !

Le DCT amène à une proéminence sur le côté droit du moteur
J'ai donc pris rendez-vous pour ce samedi après-midi chez Hauts de Seine Service à Asnières afin essayer leur modèle d'essai, en version DCT (Dual Clutch Transmission). C'est à dire à double embrayage,  qu'on utilise soit en boite auto, soit en passage manuel des rapports. J'aurais eu le choix, j'aurais fait l'essai avec une boite manuelle. Je tiens à mon levier d'embrayage, à fortiori sur des exercices de slaloms lents tels que j'en pratique à la CASIM. Mais bon, après tout, pourquoi pas. En revanche, il faut savoir que seule la version en boite manuelle est commercialisée pour l'instant. Merci pour la contradiction. Cette Crosstourer dispose également de série de l'antipatinage, ou "Traction Control" (TC, voir photo), désactivable à l'arrêt ou en circulation. Il se déclenche un peu vite d'ailleurs.

Comme d'habitude, c'est avant tout un essai péri-urbain auquel je vais me livrer. La moto n'a que 110km au compteur lorsque je la prend. Les pneus sont à  peine rodés au milieu, et le moteur pas du tout. Ça va être du molo-molo cet essai. Sans compter que ce DCT va me prendre une bonne demi-heure pour l'apprivoiser.

Je ne sais pas trop par quel bout prendre cet essai, donc je vais l'aborder selon les différents aspects techniques.

Le moteur

Deux voyants pour le TC : son déclenchement, et on/off

Contrairement à l'essentiel des autres trails du marché, Honda a décidé d'utiliser un 4 cylindres. Et pas n'importe lequel : le V4 de la VFR1200, remanié avec plus de couple en bas. Mais toujours avec l'obligation de le brider en France. Le moteur n'étant pas rôdé, je n'ai pas voulu taper dedans. Les accélérations sont suffisamment franches pour que le Traction Control décide de clignoter afin de me rappeler sa présence. Ok, il doit y avoir un peu de couple là-dessus.

Toujours est-il que ça reste du Honda : linéaire, constant, sans surprise. Les habitués apprécieront. Mais cette-fois ci, trop "plat" pour moi. Je n'ai pas la banane comme lors de mon essai de la GS. Sur ce point, c'est définitivement une question de préférence, chacun son truc. Avec l'absence d'embrayage manuel, sur les "on s'arrête, on relance", j'ai tendance à coller des à-coups, là où je titille le point de patinage en manuel. Pas très agréable.

La philosophie du moteur est donc assez différente de ce qui se fait dans le domaine des trails. Si on se dit que la plupart des trails en circulation parcourt des routes bitumées, ça se justifie assez bien. A voir en terrain moins favorable.

Il faudra que j'y retourne quand la moto sera rodée et que je pourrai monter dans les tours pour de vrai.

La boite de vitesse et l'antipatinage


Ce n'était pas mon idée en voulant essayer cette moto, mais j'ai pour la première fois essayer une moto à boite à double-embrayage. Alors j'ai passé pas mal de temps à décortiquer son fonctionnement, son utilité, sa praticité et ses inconvénients.

L'embrayage

Pour la partie embrayage, j'avoue que j'ai été plutôt bluffé : les passages de rapports sont toujours très doux, aucun à-coup, que du bon. Pas pu le mettre en défaut. Il faudrait que je l'essai sur de vrais slaloms pour voir ce que ça donne en manœuvrabilité. Sur des demi-tours, ça ne m'a posé aucun problème, en jouant du frein arrière.

Les modes de sélection des rapports

On dispose de trois modes d'utilisation : auto "drive" (normal), auto "sport", et passage manuel des rapports. En urbain ou sur des routes rectilignes, les modes automatiques semblent parfaitement adaptés. Sur des routes viroleuses, on aura vite envie d'activer le passage manuel.

Modes "drive", sport", manuel
Pour choisir les positions "neutre", "drive" et "sport", on dispose d'un premier bouton au comodo droit. Pour passer d'un mode auto au mode manuel, on dispose d'un second bouton sur le même comodo.

D'abord les modes auto. Le seul vrai reproche que je fais, c'est de se retrouver trop facilement en sous-régime. Cas concret : bretelle d'autoroute en demi-tour, détrempée , à 45km/h, en 5ème ! Aucun frein moteur et voilà que je me rapproche de la voiture devant moi. Heureusement on peut descendre des rapports au sélecteur, y compris en mode auto, mais je préfère quand même passer en manuel ici. Bien évidemment, lorsqu'on tire fort sur l'accélérateur, les rapports sont descendus. Ceux qui conduisent des voitures à boite auto connaissent déjà.

Sélecteur de vitesse électronique
A présent le mode manuel. Ici, le reproche que je fais est : c'est lent pour descendre rapidement plusieurs rapports. Exemple : je suis en 6ème et je veux passer en 3ème ou 4ème pour un dépassement, vite fait bien fait, afin de me dégager d'une situation à risque. Ça prend énormément plus de temps qu'avec une boite manuelle, donc de l'anticipation. En urgence, l'anticipation ... A noter aussi que dès qu'on descend en dessous de 20km/h, la boite passe en 1ère, même en mode manuel. Futé, et peu permettre d'éviter de mauvaises surprises aux étourdis.

Un frein de stationnement !
Sur une voiture disposant d'une boite auto, on trouve une position "Parking" pour compenser le fait de ne pas pouvoir laisser un rapport engagé en pente. Ici, on trouve l'équivalent d'un frein à main. Dixit la photo.

L'antipatinage

 L'antipatinage, c'est le genre d'option dont on n'a pas vraiment besoin sur route, ou bien sur sol mouillé, dans les virages. On peut en avoir une utilité prononcée sur des usages spécifiques : en tout-terrain, et sur piste de course bitumée. Je n'ai donc pas grand chose à dire à son sujet, d'autant que faire un "burn", je ne sais pas faire. Néanmoins, sur un démarrage franc, j'ai eu l'opportunité de voir le voyant de déclenchement du TC clignoté. C'est vrai que je n'ai pas le levier d'embrayage pour ajuster.

Le freinage


Ne manquerait-il pas un sélecteur de vitesse ?!
Contrairement à BMW, l'ABS combiné (l'arrière active aussi un piston à l'avant) est livré de série. Rien de tel pour limiter les pertes d'adhérence. Grâce au combiné, le freinage au pied n'est pas ridicule. Pour l'avant, ça freine fort et efficace. L'ABS m'a l'air bien mieux fichu que sur ma CBF. Je peux y aller goret : les à-coups de l'ABS sont plus courts et beaucoup moins désagréables au niveau du levier. Du coup, ça semble freiner plus court (qu'avec la CBF1000 ... désolé, je compare avec ce que je connais). Par contre, ça plonge, mais qu'est-ce que ça plonge ! Et là, même avec les réglages, je crois bien que le seul trail à pouvoir mieux faire est la GS avec son Telelever.

Bilan très positif pour les freins.

Le confort à bord


C'est peut-être le point que j'ai le moins pris le temps d'apprécier. Néanmoins, j'ai eu le temps de me rendre compte de quelques désagrément. D'une part, la forme en pente séparant l'avant de l'arrière  ne me permet pas de reculer vraiment. Du coup, je reste très prêt du réservoir, les jambes trop écartées à mon goût. Aussi, ça me manque ne rien avoir pour reposer les talons. Et oui, j'ai sur le ... CBF. Ça me marque plus que sur d'autres motos.

Côté protection contre le vent, c'est un cran en dessous de la GS. La bulle est vraiment ridicule. Dans la circulation, j'ai tendance à me mettre debout pour voir loin : c'est évidemment beaucoup plus commode qu'avec ... mon roadster, vous l'aurez compris.

Dans la série des petits détails : je déteste l'emplacement de l'interrupteur des warnings: sur le dessus du comodo gauche. Pénible d'accès. Également, le compte-tour est trop peu lisible. A l'usage ça peut être gênant.

Après un passage chez un sellier et le remplacement de la bulle par un modèle vraiment plus haut, le confort général devrait être beaucoup mieux.

Comportement sur la route et ressenti général


Clignotants et voyant arrière à LED d'origine
La moto est facile à emmener. Ayant pu tester d'autres trails ces derniers mois (GS et V-Strom), je ne suis plus aussi perdu que la première fois. Je me sens donc bien pour l'emmener, manœuvrer avec. Et ça se passe bien, aucune mauvaise surprise. Ça penche et forcément, encore plus qu'un roadster. En revanche, passé les 100km/h, on sent un petit louvoiement, que j'ai aussi ressenti sur les autres trails.

J'ai passé beaucoup de temps à m'accoutumer à la boite DCT. Résultat des courses : je n'ai pas encore d'avis ferme. Quelques changements pour être mieux à bord. Un moteur pas encore rodé. La moto n'était pas forcément à son meilleur avantage.

Tarif des options


La Crosstourer est plutôt bien placée sur son tarif de base. Surtout avec l'ABS et l'antipatinage de série. Là où ça devient douloureux, c'est du côté des options. A croire que Honda a fait un stage chez nos voisins germaniques. 809€ pour top-case + support. 1489€ pour les valises latérales. 1779€ si on prend le pack des trois valises. 99€ pour la prise 12V + 24€ pour le faisceau préalablement nécessaire ! Ça a du me coûter 20€ sur la CBF. 279€ pour les poignées chauffantes. Ah oui, le comble du mesquin : 231€ pour la béquille centrale qui n'est pas de série. Là, c'est foutage de gueule total. Ecoeuré.

Conclusion


Il y a du potentiel. Côté esthétique, c'est loin d'être révolutionnaire. Un air évident de VRF sur les flancs. Mais au moins, ça ne ressemble ni à la GS, ni à celles qui tentent de lui ressembler. Et c'est tant mieux ! Ceux qui sont lassés de croiser des GS, qui aiment le style et la rigueur Honda, ou bien encore qui n'aiment pas trop les bicylindres, vont trouver là un bien bel engin. Un poil lourd à basse vitesse tout de même.

Je crois que lorsqu'on veut acheter ce type de machine, on veut l'équiper de quelques options utiles : feux anti-brouillards, valises, protections, etc. Et c'est là que je suis refroidis. Je ne me suis pas encore fait un avis tranché sur la qualité intrinsèque de la machine sur ce très court essai, mais je m'en suis fait un sur le tarif des options.